1966

L’impact des clubs d’électronique sur l’évolution de l’informatique

Les clubs d'électronique

Les débuts de l'informatique à l'Élysée

L’informatique en 1966, c’était un IBM 1401 à l’EPUL qui dévorait des cartes perforées et rendait quelques heures plus tard un listage avec les erreurs du programme. Il fallait changer les cartes comportant des lignes erronées, et recommencer. Le professeur Charles Blanc a accordé un compte à quelques étudiants, en particulier Gérard Gris et Marcel Berthoud, qui ont rapidement dépassé leur maître de math qui préférait (et préfère toujours) le matériel au logiciel.

1966, ce sont aussi les premiers essais d’EAO, en accédant via un terminal à 10 caractères/seconde un ordinateur à Berne tournant le logiciel « Course Writer » d’IBM. Une machine à enseigner utilisant des microfiches avait été prêtée à cette époque par une division de Philips, ce qui avait permis de voir la difficulté pour préparer une microfiche contenant 50 questions à choix multiples.

1966, c’est aussi le début des loisirs d’électronique du mercredi après-midi, organisés suite à la frustration de ne pas pouvoir enseigner la physique (le professeur en place, surnommé Raisinet, occupait toutes les heures et n’aimait pas voir quelqu’un d’autre ouvrir ses boîtes d’appareils Phywe). Quelques lettres envoyées à des fabricants suisse pour demander du matériel gratuit ont par ailleurs contribué à raccourcir une carrière de maître de physique.

Les réponses à ces lettres ont été une caisse de relais donnée par Erni et un sac rempli de transistors offert par Ebauches, qui venait d’abandonner la production d’un composant sans avenir. Avec quelques visites au centre PTT de Ostermündingen pour récupérer des relais téléphoniques et des cadrans, le maître et ses élèves avaient de quoi s’occuper pendant de nombreux mercredis et week-ends.

Pendant longtemps, jusqu’en 1972 je crois, un cadran de téléphone et un compteur de taxe ont traîné sur la table de la salle des maîtres au Collège de l’Élysée. Il fallait faire la division à la main à l’aide d’une règle à calcul pour les profs de math, mais pour ceux qui ne savent pas additionner de tête, c’était une aide appréciée.

Avec les transistors, des modules logiques (portes, bascules) ont été implémentés sur de petits circuits imprimés, et utilisés par René Sommer, alors gymnasien assistant aux loisirs d’électronique (c’était en 1968), pour construire une machine jouant au jeu de NIM. Cette machine a fait le voyage des USA, ayant gagné le concours « La science appelle les jeunes ». Avec ces mêmes « Bidules » logiques, montés dans des petites boites facilitant l’expérimentation, une calculatrice de moyennes a été câblée. Elle a eu beaucoup de succès, maître de musique compris, car la division s’effectuait en série: en ralentissant un peu l’horloge et en branchant astucieusement un haut-parleur sur une combinaison de signaux, le type d’opération effectuée s’entendait très bien. La mélodie des divisions s’est fait entendre pendant toute une fin de semestre. Une calculatrice plus perfectionnée, utilisant des circuits intégrés RTL, des tubes nixies pour l’affichage, a été construite par la suite, avec espoir d’en faire une production. Le prototype a été vendu à l’École Normale, où il a été utilisé plusieurs années.

Des calculatrices plus performantes ont été développées à l’EPFL de 1978 à 1991, mais sans réussir à intéresser Hermes-Precisa. Les microprocesseurs ont finalement supplanté les calculatrices, avec toutes les applications que l’on connaît aujourd’hui. En 1976, Raymond Morel à Genève a développé les premières applications pédagogiques des microprocesseurs. Le SMAKY 6 a été développé en tenant compte des contraintes de son premier client, Epsilon System (devenu Epsitec), qui a commandé 6 machines avec un processeur Z80, 8k de mémoire et un écran alphanumérique et graphique (160×256 pixels). Les « Bidules » sont devenus des « Logidules », encore abondamment utilisés pour l’enseignement des systèmes logiques et interfaces à l’EPFL.

Les loisirs d’électronique se sont poursuivis après le départ du soussigné à l’EPUL en 1968, sous la responsabilité de J. Geiser. Un club d’électronique a été fondé en 1969 et s’est réuni dans les abris PA de l’Élysée jusqu’en 1972 pour permettre à tous les jeunes de Lausanne de profiter de composants bon marché et des conseils de spécialistes du Groupement d’Électronique Vaudois (actuellement GESO).

Le Collège de l’Élysée a ainsi été associé à la grande épopée de l’utilisation de l’électronique dans l’enseignement. L’ouverture d’esprit de son directeur d’alors, Edgar Notz, ainsi que la sympathie et l’intérêt des collègues, ont été le terreau favorable au développement d’une activité qui s’est ensuite épanouie à l’EPFL.

Jean-Daniel Nicoud, Prof. EPFL, Laboratoire de Micro-informatique (LAMI)