La saga du Vidéotex - Notes / Sources / Auteur

La saga du Vidéotex

Notes / Sources / Auteur

Notes

  1. Vidéotex et vidéotex. Pour orthographier ce mot, nous adopterons la même logique qui s’est répandue dans l’usage pour l’écriture du mot Internet. Avec majuscule lorsque l’on fait référence à « le » Vidéotex suisse, comme pour un nom propre. Avec minuscule lorsqu’il est utilisé comme adjectif: un terminal vidéotex. La même règle sera appliquée pour « le » Internet et « le » Minitel.
  2. Le géant jaune. Périphrase familière pour désigner les PTT suisses. Conséquence de la libéralisation entérinée par la loi de 1992, les PTT ont été divisés en deux entités séparées, La Poste et Télécom PTT. Télécom PTT deviendra Swisscom, en 1997.
  3. Télépac. Nom donné en Suisse au réseau X25 qui effectue la transmission des données en les découpant en paquets de 128 caractères.
  4. Grounding. Immobilisation au sol de la flotte de Swissair qui est à cours de liquidités. Une débâcle qui annonce la fin de la grande entreprise suisse.
  5. Kiosque. Système de facturation simplifiée de Teletel 3, sur le numéro d’appel 3615. La facture globale (téléphone + services) de l’usager dépend du temps de connexion. Le fournisseur d’informations perçoit le prix de ses services sur une base forfaitaire.
  6. Swissnet 1. Premier réseau à transmission numérique de Suisse mis en service au cours de l’année 1988. Il utilise la technologie ISDN, RNIS en français, soit réseau numérique à intégration de services. Swissnet 2 a été mis en service, fin 1992, avec des capacités de transmission élargies et des fonctions nouvelles.

Sources

L’auteur a puisé les informations nécessaires à la rédaction de cet article dans:

  • 01 Informatique, rubrique suisse, mars 1978-septembre 1988 Auteurs: Jacques Bettex, Thierry Combe, Denise Jeanmonod, Marie-José Jones, Marylou Rey, Marielle Stamm, Claude Vaucher
  • Informatique & Bureautique, l’hebdo romand de l’informatique, avril-décembre 1991 Auteurs: Jacques Bettex, Florence Magneron, Marielle Stamm, Claude Vaucher
  • IB Magazine, janvier 1992-mars 1993 Auteurs: Jean-Pascal Baechler, Jacques Bettex, Florence Magneron, Régis Dupond, Collections Marielle Stamm – Mémoires Informatiques
  • IB Suisse année 1994 Auteurs: Jean-Pascal Baechler, Michelle Talandier Collection IB Com
  • La référence vidéotex, Xavier Comtesse, Denis Inkei (Georg, 1991)

L’auteur remercie Philippe Roditi et Francis Cobbi, directeurs de la société VTX, ainsi que Jean-Daniel Zosso (Swisscom) et Xavier Comtesse (Avenir Suisse) pour leur coopération et les renseignements qu’ils lui ont fournis.

L’auteur remercie également Yves Bolognini de la fondation Mémoires Informatiques, pour les photos des terminaux vidéotex provenant des collections de cette fondation.

L’auteur

Licenciée en droit (Aix en Provence) et diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, Marielle Stamm a suivi une formation en informatique à l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique, Paris). Elle a travaillé ensuite dans une société de services informatiques, à Paris. En 1974, elle devient la première journaliste spécialisée en informatique, en Suisse. Correspondante du journal français 01 Informatique (Groupe Tests, Paris), elle dirige, à partir de 1982, la société Edimont, éditrice du journal Informatique & Bureautique dont la fréquence devient hebdomadaire en 1989. En 1992, le journal devient IB Magazine et bi-mensuel. En 1993, Marielle Stamm opte pour une nouvelle activité et devient directrice du marketing du journal romand 24 heures. En 2005, elle publie un premier roman L’œil de Lucie, qui reçoit le prix littéraire Rambert, en 2007. Elle consacre aujourd’hui son temps à l’écriture.

Marielle Stamm fait partie des membres fondateurs de Mémoires Informatiques.


La saga du Vidéotex - En guide de conclusion

La saga du Vidéotex

En guide de conclusion

Une histoire de verre

Faut-il alors parler d’échec ou de succès lorsqu’on évoque Vidéotex? Tout dépend du regard que l’on pose sur le verre. A moitié vide, ou à moitié plein.

Dans le premier cas, on peut critiquer les atermoiements des PTT suisses, leur manque de vision, leur acharnement à s’accrocher à des critères de qualité sans tenir compte des réalités économiques et de la concurrence, leurs craintes de voir s’envoler les prérogatives attachées à leur monopole. Lorsqu’ils auront vidé leur verre, les esprits chagrins déploreront que l’on ait investi autant d’argent pour arrêter un service qui promettait de devenir rentable.

Dans le second, on sait bien que les idées de génie précèdent souvent la technique. Le Vidéotex n’échappe pas à la règle. Il s’est développé en même temps que les performances informatiques et, bien souvent, il en a essuyé les plâtres. Il a fallu attendre l’arrivée en masse des micros dans les foyers domestiques pour qu’un grand marché d’utilisateurs se constitue. Il a fallu que les vitesses de transmission s’accélèrent pour que le service devienne vraiment convivial. L’évolution des mentalités est lente. Il a fallu changer les habitudes des utilisateurs et leur faire prendre conscience des gains de temps apportés par les nouveaux services proposés sur leur écran. Il a fallu convaincre les politiciens et combattre le conservatisme de certains.

Malgré tous ces handicaps, le service a réussi à séduire 180’000 abonnés. Et parmi tous les services vidéotex du monde, le système suisse vient juste derrière le Minitel (qui vivote encore dans l’hexagone, grâce à son annuaire électronique), en matière de pénétration du marché.

L’arrivée en force d’Internet sur la totalité de la planète n’a laissé aucune chance aux Vidéotex désormais périmés. L’interconnexion globale des réseaux au niveau mondial a eu raison de tous les efforts bilatéraux qui s’étaient amorcés entre les différents pays et leurs différents systèmes.

Mais le grand succès des systèmes vidéotex, et du Vidéotex suisse en particulier, a été justement de préparer la métamorphose. Les compétences vidéotex des spécialistes de Télécom PTT ont forgé le succès du Bluewin de Swisscom. L’expérience des fournisseurs de banques de données a favorisé la migration de leurs services sur Internet. De leur côté les utilisateurs ont aiguisé leurs besoins grâce à Vidéotex. Les surfeurs d’aujourd’hui les expriment aujourd’hui, au-delà de toute espérance, sur le réseau devenu planétaire.

Marielle Stamm
Mai 2009


La saga du Vidéotex - Les causes du déclin

La saga du Vidéotex

Les causes du déclin

La libéralisation des télécommunications

La vague de libéralisation des télécommunications va secouer l’Europe dès le début des années 1980. Le Royaume-Uni devance ses voisins en libéralisant précocement son marché dès 1984. Un deuxième opérateur de téléphonie, Mercury (filiale de Cable & Wireless), vient concurrencer British Telecom. La Communauté Européenne, consciente qu’il ne faut pas brusquer les choses sous peine de bloquer définitivement le processus, indique que les services de téléphonie vocale resteront sous monopole. Seuls les « nouveaux services », tels la transmission de données et les autres « services à valeur ajoutée » pourraient être ouverts à la concurrence. Ces propositions sont entérinées dans une directive de 1990.

Même si la Suisse ne fait pas partie de l’Europe, elle est très attentive à tout ce qui se fait au-delà de ses frontières. Dès le milieu des années 80, les PTT se mettent activement à réfléchir au problème. Les PTT? Oui, c’est eux que l’on charge de préparer la nouvelle Loi sur les télécommunications (LTC). « Imagine-t-on la famille Rotschild chargée de réviser à la hausse l’impôt sur la fortune? » ironise la journaliste d’Informatique & Bureautique dans un éditorial de 1985. Fort heureusement, leur degré de liberté est limité par les revendications des utilisateurs regroupés au sein de l’Asut (l’Association suisses des usagers des télécommunications). De leur côté, les fabricants d’équipements (téléphones, modems, autocommutateurs privés, etc.) sont de plus en plus désireux d’être partie prenante sur ce marché alléchant. Ils martèlent: « le monopole entrave l’innovation! »

La nouvelle loi de 1992, LTC

La loi en vigueur date de 1922. Elle a établi le monopole des PTT sur le téléphone et le télégraphe, ce que l’on appelle improprement la régale des PTT. Se calquant sur les directives européennes, la nouvelle loi va décider que le monopole se limitera aux services de base, soit le téléphone, le télex, le fax et Télépac. Les services dits élargis ou à valeur ajoutée, parmi lesquels le Vidéotex, seront libéralisés. La préparation de la LTC est longue et difficile. Contrairement aux fabricants, l’Asut et la Svipa se montrent timorés. Ils souhaitent que le Vidéotex fasse partie des services réservés (autre appellation des services de base) gérés par les PTT. Ils justifient leurs craintes. Les redevances encaissées par les PTT ne couvrent qu’un tiers des dépenses qu’engendre le service. Selon les prévisions, le point d’équilibre ne sera atteint qu’en 1994. Or, pour garantir la concurrence, la LTC interdira de financer les services élargis à l’aide des redevances des services de base. « Il faut protéger une jeune plante fragile. Si on augmente les taxes, on signe l’arrêt de mort du Vidéotex » affirme Christophe Juen, porte-parole du Vorort, l’Union suisse du commerce et de l’industrie. Les milieux économiques plaident pour leur paroisse et demandent qu’une ordonnance spécifique fasse une entorse au principe de la libéralisation des services élargis pour le seul Vidéotex. L’équation est simple. Tant qu’ils peuvent gagner de l’argent, ils réclament la concurrence. Mais puisque Vidéotex fonctionne à perte et nécessite des investissements pour poursuivre son développement, ils rechignent à les assumer. La nouvelle loi entre en vigueur au mois de mai 1992 sans que la requête du Vorort obtienne gain de cause.

Bien décidés à ne plus traîner le boulet Vidéotex, Telecom PTT (c’est le nom qu’a adopté la branche télécommunications des PTT pour se démarquer de la Poste depuis la séparation des deux entités) cherche une porte de sortie et se donne comme ultime délai la fin de l’année 1994. Lors d’une grande rétrospective intitulée « Des cartes perforées aux puces » qui se tient au Musée des PTT à Berne, fin 1992, la visiteuse, qui signe ces lignes, remarque un terminal vidéotex éteint sur une table « qui fait figure de parent pauvre »! Triste témoin du désintérêt croissant de ceux qui en ont été les ardents promoteurs!

Le manteau de Saint Martin

En janvier 1995, le service est démantelé et partagé en deux, comme le manteau de Saint Martin. L’infrastructure du Vidéotex, réseau et centraux, est confiée à une nouvelle entreprise, Swissonline. En font partie les principaux fournisseurs d’informations, notamment les trois grandes banques, UBS, SBS et Crédit suisse, les banques régionales, mais aussi Jelmoli, Swissair, Teledata, Publicitas et, last but not least, l’ancien maître à bord, Télécom PTT.

L’autre partie du manteau, soit 30’000 terminaux et leurs abonnés est allouée pour quelques millions à la société romande VTX qui hérite, dans la foulée, des quelque dix mille terminaux stockés à Berne. Prise de court, il a fallu stocker en hâte le contenu de plusieurs wagons que viennent de livrer les CFF, VTX fait face aux réclamations, voire aux récriminations des abonnés paniqués. Son standard est surchargé, les piles de courrier s’amoncellent. Un service après-vente est rapidement mis sur pied, une nouvelle société dédiée au service, Smartphone, est créée. L’affaire s’avérera finalement rentable. Car les redevances tombent chaque mois permettant d’amortir, à terme, l’investissement initial.

Le home banking

Que se passe-t-il entre le 1er janvier 1995 et le 30 septembre 2000, date de l’interruption définitive du Vidéotex? Confiant, Gunter Nierlich, président de la Svipa et de Swissonline affirme que les vitesses vont s’améliorer, les modems à 9600 bauds sont déjà disponibles. La compression des images permettra d’intégrer des photos dans les pages vidéotex. Ces promesses seront sans grand effet. Aucun autre service ne sera créé au cours des cinq années durant lesquelles Vidéotex vit en sursis. Le home-banking, principal succès du Vidéotex, est un des seuls à assurer la survie du système. Les trois grandes banques, de loin les plus actives au sein de Swissonline, ont développé un savoir-faire unique, ouvrant à tous leurs clients, dotés d’un terminal ou d’un micro, la possibilité d’effectuer leurs transactions financières à l’écran. De plus, la carte à puce offre à ces derniers la possibilité de faire leurs paiements on line, en sécurité. Tant que les banques ne se seront pas sûres de bénéficier des mêmes possibilités sur le réseau Internet, elles maintiendront le système aux soins intensifs. Le système vivotera jusqu’en l’an 2000, année où il s’éteint, dans la plus grande discrétion. Swissonline cessera d’exister en 2006.

Dernier serveur vidéotex en suisse romande, ils étaient cinq sur le marché en 1995, VTX sort gagnante sur toute la ligne (sans jeu de mots). L’entreprise a vu venir la déferlante Internet. Elle a investi chaque franc gagné auprès des abonnés vidéotex dans un nouveau service proposé sur Internet. Un transfert inévitable et qui s’avérera tout aussi payant que la reprise des abonnés vidéotex. A Computer 95, le Vidéotex, pourtant son gagne-pain, est absent de son stand. Elle est bien trop occupée à créer 25 bornes d’accès à Internet pour pouvoir proposer à sa clientèle des tarifs attractifs car non pénalisées par la distance. Son nouveau business est déjà né.

La montée en puissance d’Internet

S’il fallait se rappeler un seul nom célèbre dans l’histoire d’Internet, on citerait Sir Tim Berners Lee, l’inventeur du World Wide Web, le célèbre WWW, et l’inventeur du premier navigateur et éditeur web. Il travaille au CERN (Genève) au début des années nonante. C’est alors que le mot Internet sort des milieux scientifiques et universitaires, où il est déjà largement connu, pour se populariser auprès du plus grand nombre. Une période qui coïncide avec la promulgation de la LTC suivie du désengagement progressif de Télécom PTT dans le Vidéotex.

Car tandis que s’amorce le démantèlement de Vidéotex, Internet a déjà fait son trou en Suisse. Sur les quelque 46’000 réseaux reliés en 1994 par ce réseau devenu mondial, près de 500 réseaux helvétiques y sont déjà connectés. Parmi ceux-ci et non des moindres, ceux de grandes entreprises comme Nestlé, ABB, Ascom, et aussi UBS et SBS. Ces dernières y piochent toutes les informations boursières internationales et testent la migration de leurs applications vidéotex. Trois sociétés ont ouvert leur serveur Internet: EU Net avec cinq bornes d’accès à Genève, Zurich, Bâle, Berne et Lugano; Ping à Mettmenstetten avec trois points d’accès à Lausanne, Berne et Zurich; Switch avec un seul point d’entrée, à Zurich.

Dès 1995, VTX emboîte le pas en Suisse romande. En septembre 1996, les PTT eux-mêmes, concurrence oblige, annoncent Blue Window plus connu aujourd’hui sous le terme abrégé de Bluewin. Les chiffres divulgués par Télécom PTT, rebaptisé Swisscom en septembre 1997, parlent d’eux-mêmes. Avril 1998, 100’000 abonnés Bluewin. Janvier 1999, 150’000 abonnés. En l’an 2000, année où Vidéotex tire sa dernière révérence, Bluewin compte déjà 500’000 abonnés. Un chiffre jamais articulé dans les rêves les plus fous des auteurs et des acteurs du Vidéotex.

Impossible pourtant de comparer un service longtemps presque exclusivement national avec Internet dont la messagerie permet de dialoguer avec le monde entier et où des millions d’informations sont accessibles instantanément. Pourtant les afficionados du Vidéotex regrettent encore aujourd’hui la double sécurité assurée par le numéro d’identification et le mot de passe de l’abonné ainsi que les facilités de micro-paiement que procurait la facturation à la page. Deux avantages dont Internet est privé.

Une simple anecdote résume la chose. En quinze ans de fidèles et loyaux services, on ne relate qu’une seule affaire de piratage du Vidéotex. Nous sommes en 1989, lorsque la SBS reçoit une facture de 1,6 millions de francs pour la consultation « effrénée » de pages d’une agence dite « artistique », un service auquel la vénérable banque n’est pas abonnée. Des inconnus ont réussi à se procurer les codes d’identification de terminaux qui viennent de lui être livrés. Les pirates s’en sont servis pour lancer un accès au serveur de l’agence en question, il s’agirait en fait de la messagerie Iris opérée par VTX, appeler des pages coûteuses, les refermer aussitôt et relancer indéfiniment le cycle. Un délit d’initiés dont on ne connaîtra pas le dénouement, la banque et les PTT ayant préféré étouffer l’affaire. Le cas est sans doute resté unique dans les annales du Vidéotex. On ne peut pas en dire autant d’Internet où les hackers deviennent toujours plus malins et continuent à défier les services informatiques les plus ingénieux.

En guise de conclusion, une histoire de verre


La saga du Vidéotex - La vitesse de croisière

La saga du Vidéotex

La vitesse de croisière

Les chiffres

Enfin! Le service public est ouvert depuis le premier janvier 1987, mais les difficultés des PTT ne sont pas éradiquées pour autant. Ils mettent sur le papier des objectifs ambitieux. Soixante mille abonnés en 1990, un chiffre qu’ils rectifient à la hausse quelques mois plus tard. Rien moins que deux cent mille abonnés sont espérés pour 1991.

Or, ils ne sont encore que 6’000 en ce début 1987 pour trois cents fournisseurs d’informations. Les crédits grimpent proportionnellement: 57 millions ont déjà été investis au cours des phases d’essai. En 1988, on parle de 130 millions pour les trois années à venir. Mais cela paraît encore insuffisant. L’année suivante, on double la mise, Vidéotex devient un gouffre financier et le crédit saute à 270 millions. Le point d’équilibre entre les coûts et les bénéfices espérés est attendu pour 1994.

Le chiffre des 200’000 abonnés ne sera pourtant jamais atteint. Les statistiques révélées chaque année, au mois de septembre, au cours du traditionnel forum vidéotex, font état de 22’000 abonnés en 1989, 50’000 en 1990, 70’000 en 1991. Les chiffres plafonneront à 180’000, en 1995, lorsque les PTT jetteront l’éponge et se sépareront définitivement de ce système dont ils attendaient tant.

Le nombre des fournisseurs d’informations a suivi la même courbe. Ils passent de 300 au début de 1987 à 462 en 1990, puis à 560 l’année suivante pour se stabiliser à 1100, à la date fatidique de 1995. Mais ce dernier chiffre fourni par les PTT ne reflète pas la réalité car il englobe des fournisseurs quasi inactifs qui se bornent, on l’a vu plus haut, à publier une simple page d’accueil sur le système en attendant le véritable décollage du système.

Abaisser les coûts

Dès 1987, les PTT mobilisent tous leurs efforts pour attirer le public et faire ainsi baisser la grogne des fournisseurs d’informations. Leur action s’exerce dans trois domaines : financier, technique et marketing.

Les taxes vont être revues à la baisse. La taxe de communication au vidéotex qui oscillait entre 4,50 et 7,50 francs de l’heure s’abaissera à 3 francs début 1988. Quant à l’abonnement mensuel de 12 francs, il sera finalement supprimé au premier janvier 1989. Des réductions sont également consenties sur le coût de la location mensuelle du terminal. Le modèle couleur Loewe passe de 55 à 43 francs, le petit Comtel noir-blanc (voir plus haut) de 50 à 38 francs, le nouveau Cept-Tel est loué 9 francs par mois (voir plus bas). Dès janvier 1989, le service kiosque est proposé. Imité du Minitel, le kiosque n’est facturé qu’au temps de connexion et non à la page consultée.

Améliorer technique et performances

Avec l’augmentation du nombre des abonnés, un seul ordinateur central à Berne est devenu insuffisant. On s’oriente vers une architecture distribuée. Quatre nouveaux centraux basés sur des Vax 11/780 de Digital Equipment sont installés à Zurich, Lausanne, Bâle et Saint Gall. On leur adjoint un centre de gestion de type Vax 11/785 (où sont hébergés les abonnés) et des ordinateurs frontaux locaux et distants. Une quinzaine de points d’accès sont ainsi créés. Enfin, les PTT acquièrent au Canada un logiciel de base de données relationnelle pour accueillir les informations qui transitent depuis les banques de données des serveurs et des fournisseurs importants et pour héberger celles des plus petits fournisseurs. Le service y gagne en rapidité et en performances. Que de chemin parcouru depuis le premier central installé à Berne pour l’essai pilote!

Sous la pression de la concurrence, les terminaux sont devenus multinormes. Le nouveau Comtel qui intègre désormais téléphone et modem dans le même boitier que le clavier et l’écran, s’adapte aux réseaux français (Télétel) et anglais (Prestel). Ses performances s’améliorent: plus de mémoire et la possibilité de préprogrammer les commandes nécessaires à la consultation d’une page précise du vidéotex.

A Computer 89, les visiteurs découvrent le dernier-né, le Cept-Tel fabriqué par la filiale Radiotechnique de Philips. Plus de la moitié des Minitels consultés en France sont fabriqués dans son usine du Mans. « Au déballage, il ne paie pas de mine! » s’exclame un des journalistes d’Informatique et Bureautique. Muni d’un écran de 9 pouces, d’un pavé numérique avec touches de fonction et d’un modem intégré, ce nouveau terminal est un croisement du minitel et de la norme Cept 1. Astuce de rangement, le clavier se glisse sous l’écran, le tout ne pèse que 4,6 kilos.

Gadget très attendu, la carte à puce utilisée par vidéotex est annoncée pour tous les services bancaires, dès 1990. Une nouvelle version du Multitel (autre terminal au catalogue des PTT) sera proposée avec un lecteur de cartes intégré. Mais l’introduction est lente. Deux ans après, les quatre grandes banques du pays en sont encore à tester leur carte auprès de 300 clients.

Autre amélioration souhaitée depuis longtemps, la vitesse de transmission va passer à 1200 et 2400 bits par seconde. Les PTT annoncent l’ouverture de ces canaux plus rapides pour la fin de 1990. Le délai d’attente et les temps de connexion vont sensiblement diminuer. La même année, en septembre au cours de l’incontournable forum vidéotex (on ne les numérote plus!), la ville de Bâle effectue une démonstration dans le cadre des Communes modèles. Raccordée à Swissnet (6), le réseau numérique suisse, à une vitesse de 9600 bits/seconde, l’application est impressionnante: un guide des manifestations, un horaire des transports publics, un logiciel de communication pour les utilisateurs de PC et, cerise sur le gâteau, un superclub qui propose parmi d’autres gâteries, la livraison de pizzas à domicile!

D’autres services ont déjà fait leur chemin. En 1988, les PTT ont annoncé le télégiro, l’équivalent du télébanking pour les clients d’un compte de chèque postal. Et encore le vidéotélex qui permettra aux abonnés du vidéotex de communiquer dans les deux sens avec ceux du télex. L’annuaire électronique dont l’usage devrait contribuer à faire décoller le nombre d’abonnés se révèle décevant. Les PTT en ont profité pour augmenter le coût du renseignement classique facturé désormais un franc. Dix fois plus que la consultation sur Vidéotex qui coûte seulement 10 centimes. Mais la procédure vidéotex est lourde. Pour obtenir un simple numéro de téléphone, l’abonné doit s’identifier et donner son mot de passe. L’annuaire électronique semble plus avoir été conçu pour les demoiselles du téléphone que pour tout un chacun.

Adopter un marketing agressif

Il faut aussi convaincre et faire connaître le service, ou plutôt les différents services au grand public toujours réticent. Pas question d’imiter les Français en distribuant gratuitement des terminaux avec, en prime, l’accès à l’annuaire électronique. L’idée est discutée au parlement fédéral. Elle suscite une levée de boucliers car le lobby des fabricants de papier qui fournit les imprimeurs d’annuaires y est bien représenté. La grogne gagne aussi les revendeurs de terminaux qui craignent de voir décliner leur commerce.

Reste la publicité. Les chiffres dépensés par les PTT pour des campagnes publicitaires seraient faramineux. On annonce la somme fantaisiste de 14 millions. « Ridicule » réplique la direction du géant jaune, qui admet une somme inférieure à un million de francs pour l’année 1987. PTT et fournisseurs d’informations se renvoient la balle, estimant, chacun de leur côté, que l’autre n’en fait pas assez.

Le mieux n’est-il pas d’agir de concert? Ils se regroupent enfin pour un tir groupé. Les PTT, Jelmoli, le Crédit suisse, la Société de Banque Suisse et les Voyages Imholz expédieront un mailing sur deux millions d’adresses entre mai et novembre 1992. Il était temps!

Quant à la bonne vieille formule des Moniteurs d’or, elle est toujours pratiquée au cours des forums vidéotex du mois de septembre. En 1987, le Moniteur d’or est décerné à Reuters pour ses renseignements boursiers et financiers. En 1988, TeleCoop (tapez *7575#) est récompensé dans la catégorie services grand public pour les possibilités de téléshopping proposées dans les trois langues nationales. Un Institut d’analyses médicales est également distingué. En 1990, la ville de Bâle attribue ses prix à l’horaire électronique des transports publics de Bâle (charité bien ordonnée…) et au City Guide de Saint Gall.

A Genève, Xavier Comtesse rédige un ouvrage qui fait date: la référence vidéotex, un plaidoyer à la fois enthousiaste et pro domo. Car l’auteur est aussi le fondateur du Concept Moderne qui a établi un rapport comparatif entre Minitel et Vidéotex pour le compte de la Fédération des syndicats patronaux. Son entreprise qui développe de nouveaux services pour la Bourse de Genève et la Télévision Suisse Romande se fera racheter au bon moment, en 1989, par le puissant groupe Edipresse (24 heures et Le Matin).

Les efforts en Suisse romande restent pourtant modestes, Charles Veillon organise un concours. Mais la société VTX avoue avoir de la peine à rentabiliser son serveur avec ses clients professionnels, parmi lesquels la chaîne d’hôtels Minotel ou l’Association vaudoise des établissements médicaux-sociaux. Les autres applications développés pour la radio Couleur 3 et le quotidien 24 heures drainent plus de trafic auprès du grand public avec des messageries et des jeux!

Minitel, l’empêcheur de tourner en rond

La faute à qui? Partiellement au succès du Minitel dont la concurrence est de plus en plus offensive. Le très respectable Groupement Romand de l’Informatique n’hésite pas à jouer les trublions en installant seize bornes interactives, de simples minitels, dans l’enceinte de Computer 87, la grande foire informatique qu’elle organise, chaque printemps, à Lausanne. Le visiteur peut effectuer sa recherche sur plusieurs critères, marque, exposant, numéro de stand. Le catalogue complet est à la portée d’un simple clic. La société Medias-Création, qui a développé l’application, a utilisé un logiciel français baptisé Cocktel. Son fondateur, Pierre-Yves Tille fait aussi l’article pour Groom Minitel, un service d’accès au kiosque (5) de Télétel. L’usager de Télétel n’a plus à payer une taxe exorbitante, 72 francs, pour se brancher sur la France. Avec Groom, les coûts sont diminués de moitié et un crédit d’heure est offert en bonus. Toujours sur minitel, Sertel ouvre à Nyon une messagerie coquine. De quoi faire rosir les joues des messieurs bien-pensants à Berne et ailleurs.

Mais c’est certainement l’aventure Suisstell qui va faire le plus mal. L’ouverture prochaine de la banque de données de Sonor a lieu dans les locaux-même du quotidien La Suisse. Au menu, bulletins d’informations, météo, horoscope, agenda de la vie nocturne et surtout une messagerie, talon d’Achille du vidéotex. Le service dispose de 300 lignes téléphoniques. Le directeur de Suisstell, Daniel Mange, estime à 2500 abonnés le seuil de rentabilité. Le chemin sera encore long à parcourir. Mais une grande campagne de publicité s’étale dans les pages de la Suisse et Suisstell affiche des prix très attractifs avec un package à 69 francs par mois comprenant la location du minitel et huit heures de communication gratuite. Un prix qui reste dissuasif pour certains, tant qu’ils ne peuvent pas accéder à la fois aux données françaises et aux services suisses de Vidéotex.

Les PTT profitent de ces attentes pour marquer des points. Le serveur de Suisstell devient binorme en mars 1990 et s’ouvre enfin à tous les services du Vidéotex suisse. Un autre serveur genevois, celui de la Maison des Jeunes appelé Relais se convertit aussi à la norme suisse. Il est subventionné par la Ville et le Canton de Genève. Faute d’atteindre ses objectifs, Suisstell périclitera, puis sombrera définitivement dans la faillite de Sonor, en 1994.

La guéguerre du bout du lac entre Minitel et Vidéotex aura duré près de quatre ans. Pour en finir avec cette concurrence trop tapageuse, les PTT ont trouvé un modus vivendi, le fameux compromis helvétique. Ils installent eux-mêmes les minitels, ils fournissent des modems bi-normes. Ils se résolvent enfin à ouvrir leur central vidéotex aux usagers de Télétel, en Suisse comme en France. Tout comme ils se sont reliés au Bildschirmtext des Allemands et aux Vidéotex autrichien et luxembourgeois.

Car il est temps de regarder hors des frontières. Il s’y passe beaucoup de choses. Normalisation, explosion des réseaux numériques à services ajoutés, éclatement des monopoles. Le contexte juridique dans lequel évoluent les PTT est obsolète. Il est grand temps de préparer une libéralisation. Or, la loi sur les télécommunications, qui est en préparation, ne fera qu’engendrer de nouvelles complications pour le service vidéotex.

Les causes du déclin


La saga du Vidéotex - Des débuts hésitants

La saga du Vidéotex

Des débuts hésitants

Au pays de Sa Majesté, la Reine

Il était une fois la télévision et le téléphone. On décida de les marier. Les parents des fiancés s’appelaient Sam Fedida et la very british Post Office. On mit dans la corbeille de noces, des milliers, des millions d’informations issues des banques de données engrangées dans les ordinateurs du pays. Elles étaient destinées à satisfaire la curiosité des sujets de sa Gracieuse Majesté, la Reine. Le couple donna naissance à Viewdata, le premier système vidéotex européen. Hélas! Comme certaines unions très « people » contractées Outre-Manche, celle-ci ne fut pas, à proprement parler, une réussite. Et pourtant, sa descendante éloignée, une certaine Toile, connut, moins de vingt ans après, un succès fulgurant.

Viewdata sort de son île

Mais revenons à cette journée du 28 février 1978 où Viewdata fait son entrée en scène dans les salons très chics d’un cinq étoiles zurichois. Tout ce qui compte d’important en matière de télécommunications européennes, près de cent cinquante personnes triées sur le volet, parmi lesquelles toute la direction des PTT suisses, est là pour assister à ce lancement en fanfare. Pilotées par Sam Fedida lui-même et les émissaires de la Poste britannique, les démonstrations se succèdent sur douze écrans de télévision reliés directement par téléphone, à Londres.

Aujourd’hui, cela semble bien banal. Mais, il y a plus de trente ans, c’était un haut fait d’armes. Nouveau sésame, le mot télématique, qualifié à l’époque de « défi majeur de la fin du XXe siècle » et aujourd’hui quasiment tombé en désuétude, venait d’être inventé, en France, par Alain Minc et Simon Nora. Quelques scientifiques se reliaient déjà par téléphone à des banques de données pour obtenir l’information nécessaire à leurs travaux. Ils utilisaient des imprimantes mécaniques Télétype et devaient apprendre à maitriser les commandes complexes des systèmes d’exploitation de leurs ordinateurs. Mais l’entreprise restait ardue. Le génie de Sam Fedida, dont le nom est aujourd’hui complètement oublié, est d’avoir inventé une technique de requête par menu, facile à utiliser par le grand public. Monsieur Tout le monde n’aurait qu’à presser sur quelques touches d’un clavier pour trouver l’information recherchée en feuilletant les pages proposées sur son écran.

La Poste britannique va faire le reste en proposant Viewdata au grand public, dès l’année 1979. Si la motivation première est d’accroître le trafic téléphonique au Royaume Uni, l’ambition de rentabiliser le projet en monnayant son « know-how » à l’étranger est sous-jacent.

Pour assurer le succès de cet ambitieux système baptisé Prestel, du nom de la norme choisie par le Post Office, d’autres acteurs doivent entrer dans la danse. Dans un premier temps, on s’adresse aux fabricants de télévision. Leurs téléviseurs doivent être munis d’un adaptateur avec téléphone et mini-clavier pour le dialogue. Des terminaux en couleur ou noir-blanc pour des applications spécifiques, écoles, lieux publics sont également prévus. Il faudra encore attendre que les premiers micro-ordinateurs s’infiltrent dans les entreprises pour que les constructeurs de micro-informatique se sentent concernés. N’oublions pas, le premier IBM PC a été annoncé en août 1981!

Deuxième catégorie de protagonistes, les fournisseurs d’informations. Les donneurs d’informations traditionnels sont parmi les plus enthousiastes. Ainsi le très sérieux Economist a déjà retenu mille pages de Viewdata. D’autres domaines seront aussi proposés, la recherche d’un emploi, l’achat de livres ou la recherche d’un appartement de vacances. De nombreux intermédiaires vont ensuite se greffer sur ce marché qui promet d’être juteux, notamment les sociétés de services et les banques, ces dernières pour organiser le trafic des paiements par carte de crédit des pages consultées.

Les Britanniques repartent dans leur île. Leurs ambitions sont grandioses. Ils projettent un million d’utilisateurs et décident de subventionner les 1500 premiers. L’avenir de Viewdata est encore à inventer.

Les PTT suisses sont séduits

La direction bernoise du géant jaune (2) est séduite. A l’instar de ses homologues dans les pays limitrophes, elle décide de lancer son propre système Vidéotex, patronyme francisé de Viewdata. Toutefois la démarche reste helvétique, donc prudente. Qui va piano va sano. On se presse à petits pas. On s’entoure de toutes les garanties pour assurer la qualité du service. Qu’on en juge!

Les PTT suisses prévoient d’abord un essai pilote, il aura lieu dès février 1980, puis un essai d’exploitation dont la première phase sera amorcée en septembre 1983. Les deuxième et troisième phases débuteront en mars et mai 1984. Il faudra attendre le premier janvier 1987 pour que le Conseil Fédéral promulgue l’ordonnance officielle annonçant l’ouverture du service public Vidéotex. Neuf ans se seront écoulés depuis le grand show des Anglais, à Zurich. Neuf années durant lesquelles on a forgé une certaine expertise, mais où l’on a perdu beaucoup de temps par rapport aux voisins européens. En 1983, l’Allemagne a ouvert Bildschirmtext. La même année, l’annuaire téléphonique est proposé en France par le biais de terminaux minitel. Ce service, le seul qui survit encore en 2009, parmi tous les systèmes vidéotex qui ont essaimé sur la planète, fera de l’ombre au Vidéotex suisse, notamment en Suisse romande.

L’essai pilote

A Berne, on choisit le système Prestel, donc britannique, pour l’essai pilote. Cent cinquante fournisseurs d’informations ont répondu présents pour y participer. Ils se sont réunis au sein d’une association, la Svipa (Association suisse des fournisseurs d’informations Viewdata). Leur président, Jürg Dangel, s’adresse aux mille cinq cents participants qu’attire le premier forum vidéotex à Bâle, en septembre 1983. Il déplore le retard que prennent les PTT et se demande si l’essai d’exploitation est bien nécessaire. « Faut-il encore attendre pour ouvrir le service au public, alors que les voisins fourbissent les armes de la concurrence? » Autre sujet de préoccupation, le rôle des PTT. Les membres de la Svipa ne souhaitent pas que le géant jaune ait le droit de gérer lui-même des banques de données, à l’exception de l’annuaire téléphonique. Une telle extension de son monopole ne serait pas acceptable tant du point de vue social qu’économique. Enfin les coûts annoncés par l’entreprise bernoise sont trop élevés au goût des fournisseurs d’informations. Ils doivent s’acquitter du coût du raccordement au central vidéotex, du coût des connexions à l’arbre de recherche, des taxes du réseau Télépac (3), d’un abonnement par page d’entrée, des frais d’introduction des données dans l’ordinateur des PTT, sans oublier la taxe d’encaissement des renseignements payants. Car l’information suit un trajet complexe. Les pages sont éditées sur l’ordinateur du fournisseur d’informations, puis transmises à l’ordinateur des PTT qui les stocke dans un premier temps, puis les transfère, via Telepac, sur un ordinateur externe. Pour que ces informations reviennent chez le demandeur d’informations, qui est lui-même équipé d’un appareil récepteur, elles doivent repasser, toujours via Telepac, par l’ordinateur des PTT qui les stocke pour une durée indéterminée. Il s’agit donc d’une architecture encore centralisée et lourde. On est encore loin du maillage élégant de la future toile d’Internet.

L’essai d’exploitation

En septembre 1984, un an après, le deuxième forum vidéotex ne rassemble plus que 600 participants, toujours à Bâle. Les PTT qui avaient opté pour la norme des caractères Prestel dans un premier temps, ont changé leur fusil d’épaule et se sont ralliés pour les terminaux, à la norme européenne CEPT (Conférence européenne des postes et des télécommunications) qu’ont adoptée les PTT allemands.

De quoi s’agit-il? La norme Prestel, désignée ultérieurement Cept 3, est basée sur un affichage dit alphamosaïque dans lequel l’écran est divisé en 24 rangées de 40 cellules de caractères, soit environ mille caractères. Chaque caractère est défini par une matrice de deux points en largeur sur trois points en hauteur. Huit couleurs sont utilisées soit la combinaison des trois couleurs primaires. Dans la norme alphagéométrique, dite Cept 1, choisie en Suisse, la matrice passe à 120 points (10 x 2) et le nombre de couleurs affichable est de 256. Résultat, une bien meilleure qualité de l’image Les concepteurs de pages ne s’en priveront pas pour utiliser toutes ces possibilités graphiques, ce qui accroîtra sérieusement les temps de recherche. Le coût de fabrication des terminaux suisses, les Ceptel, est aussi plus élevé que celui des terminaux anglais ou français. Précisons que la norme des Minitels, dite Cept 2, est également alphamosaïque mais elle diffère légèrement de la norme Prestel car elle nécessite une mémoire additionnelle pour spécifier les caractères.

Avec un certain retard dû à ce changement de norme, trois fabricants, Loewe, Philips, Mupid arrivent sur le marché avec les décodeurs ad hoc. Les grands constructeurs d’informatique de l’époque (beaucoup plus nombreux qu’aujourd’hui) s’engouffrent aussi dans ce nouveau marché. L’exposition organisée dans le forum réunit une cinquantaine d’exposants parmi lesquels, NCR, Hewlett-Packard, IBM, Siemens, Bull, Nixdorf, Sperry. Ils proposent des cartes additionnelles pour transformer leurs micros en terminaux vidéotex. La mémoire de leurs PC permet de stocker les données recueillies, ce qui raccourcit le temps de consultation. Les micros servent à la fois à éditer et à rechercher les informations.

Aussi, c’est sans surprise que la nouvelle donne s’impose. Ce n’est pas un téléviseur chez soi, mais un micro-ordinateur au bureau que l’on branchera sur le Vidéotex. Nous ne sommes qu’en 1984 et les ordinateurs personnels n’ont pas encore envahi tous les foyers domestiques. Ce sont donc tout naturellement les applications professionnelles qui vont prendre le pas sur l’utilisation grand public prévue à l’origine. Premières cibles, les agences de voyage, les agences pour l’emploi, et encore les clients bancaires de Telekurs dont le système Fitex propose diverses informations boursières: le cours d’une vingtaine de titres, le cours des matières premières ou des métaux précieux.

Les PTT choisissent deux régions pilotes, Lausanne et Zurich, et sélectionnent 3000 abonnés pour participer à l’essai d’exploitation. Sans pour autant les subventionner. Chacun d’entre eux devra s’acquitter du coût de location de son modem, selon le modèle entre 30 et 50 francs par mois, paiera 7,50 francs l’heure de connexion à l’ordinateur central vidéotex et devra encore régler un abonnement pour le service fourni (jusqu’à 30 francs pour le modèle haut de gamme). A ce tarif-là, il faudra beaucoup de temps pour convaincre les trois mille abonnés visés.

Les moniteurs d’or

Septembre 1985, les congrès Vidéotex se suivent et ne se ressemblent pas. Cette année, on y fait la part belle aux fournisseurs d’informations en leur distribuant des satisfecit pompeusement appelés Moniteurs. Ils sont en métal précieux calqués sur les médailles olympiques. On récompense les applications les plus créatives, voire les plus utiles. A tout seigneur tout honneur, Swissair obtient le Moniteur d’or. Le grounding (4) n’est pas encore à l’ordre du jour! Décerné par la chambre de commerce de Bâle, ce prix est attribué à la compagnie aérienne pour son programme de renseignements sur les départs des vols dans les aéroports de Zurich, Genève et Bâle. Son originalité réside dans la mise à jour en temps réel des données. Celles-ci sont insérées dans des masques préformatés contenant déjà une partie des informations. Le moniteur d’argent revient à Telmed, un service qui renseigne sur les pharmacies de garde, les services d’urgence ou encore les maladies tropicales. Le Crédit Suisse reçoit le moniteur de bronze pour le service de télébanking destiné à sa clientèle. Les viennent ensuite, sont la Coop avec un programme trilingue, la Société de Banque Suisse, l’Office du tourisme du Tessin, le Musée de la ville et de la cathédrale de Bâle.

Pendant ce temps, à l’étranger

C’est dans ce climat d’autocongratulation que les nouvelles des Vidéotex étrangers tombent. Le Bildschirmtext patine en Allemagne. On attendait 400’000 raccordements, on atteint péniblement les 30’000. Outre-Manche, l’objectif était le million, mais Prestel n’a engrangé que 59’000 utilisateurs. Seule la France semble tirer son épingle du jeu. Le million de Minitels est atteint grâce à l’annuaire téléphonique électronique proposé par le réseau Téletel. Les PTT français ont compris, avant les autres, qu’il s’agissait tout simplement de résoudre le problème de l’œuf et de la poule. Sans utilisateurs ou consommateurs, pas de trafic à grande échelle. Sans appareils bon marché, pas d’utilisateurs. Ces derniers ne seront bon marché que s’ils sont fabriqués en masse. Corollaire, il y aura suffisamment d’utilisateurs s’ils trouvent des informations en grande quantité. Il y aura suffisamment de fournisseurs d’informations s’il y a un très grand nombre de demandeurs.

En distribuant largement et en très grande partie gratuitement les minitels, principalement dans toute la Bretagne, les Français ont multiplié par cinq le trafic téléphonique des usagers. Une politique volontariste qui va porter ses fruits, Télétel est un succès. Surfant sur la vague, ils s’apprêtent à attaquer le marché suisse. Une première opération de charme a lieu à Genève, en avril 1986. Huit ans après les Britanniques à Zurich, ils investissent l’hôtel Beau-Rivage à Genève et organisent un mini Minitel show. Les choses ont bien changé depuis le lancement de Viewdata, en 1978. Les démonstrations se succèdent sans qu’un seul minitel tombe en panne. Une prouesse bien rare à l’époque. Les services aux concessionnaires Citroën ou aux clients du Videobanque du Crédit Commercial Français sont déjà opérationnels. La messagerie électronique que démontre une entreprise basée à Lyon, Sinfoni, emballe les auditeurs. Le dialogue y est intense entre demandeurs et fournisseurs d’informations. Or c’est là que le bât blesse en Suisse dont le Vidéotex ignore encore que le dialogue entre utilisateurs et fournisseurs d’informations ou entre les utilisateurs eux-mêmes est celui qui peut générer un maximum de trafic.

Les Romands n’ont pas attendu. En ce mois de mars 86, ils pianotent déjà sur 250 minitels, sans compter tous ceux qui ne sont pas agréés par les PTT et qui ont été achetés directement en France. On peut se procurer le modèle homologué (les PTT l’ont adapté au réseau suisse) chez Marfina qui vend le terminal pour la modique somme de 1’300 francs. Moins de la moitié du prix du terminal vidéotex Loewe, 2’990 francs! Toutefois les taxes de location mensuelles sont quasi identiques sur les deux terminaux, une cinquantaine de francs.

Quelques sociétés proposent à leurs clients des services sur Minitel. Le laboratoire Riotton communique les résultats de leurs analyses aux cabinets médicaux, la société Amiguet a ouvert un serveur sur lequel on peut acheter des micro-ordinateurs d’occasion. Enfin un grand projet se dessine dans les locaux du journal La Suisse. Jean-Claude Nicole, PDG du groupe Sonor qui chapeaute le quotidien genevois, ouvrira prochainement Suisstell, une banque de données d’informations similaire à celle des grands journaux parisiens. Il annonce aussi une messagerie.

Avant l’ouverture du service public

Face à cette offensive, le Vidéotex suisse fait encore pâle figure. L’ordonnance promulguant l’ouverture du service est restée coincée sur le bureau du Conseil fédéral. Elle ne sera effective que le 1er janvier 1987. « Vidéotex, un match au ralenti », titre le journal Informatique et Bureautique dans son numéro de décembre 1986. Les PTT ont déjà investi 50 millions de francs, l’industrie privée environ 100 millions, alors que le nombre de terminaux installés n’atteint même pas les 4’000 unités. Si l’on estime qu’une moyenne d’environ 6,5 personnes dans les entreprises et de 1,7 dans les foyers privés utilisent le même terminal, on atteint le chiffre maximum de 18’000 utilisateurs.

Un public beaucoup trop restreint pour les fournisseurs d’informations. Ceux-ci restent en majorité concentrés en Suisse alémanique. Ils seraient 268, à la veille de la mise en service, mais certains se cantonnent dans le wait and see et se bornent à proposer une page d’accueil en attendant des temps meilleurs. Les plus actifs continuent d’assister à la distribution des prix. Au forum vidéotex de Bâle, le quatrième du genre, qui a lieu en marge de la grande exposition Swissdata 86, le Moniteur d’or est attribué à Transpotel pour un service d’information international sur le trafic des marchandises, le Moniteur d’argent à Hallwag pour sa bourse de voitures d’occasion.

Du côté romand de la Sarine, quelques rares sociétés ont tenté l’aventure. Après l’Office du vin vaudois et Charles Veillon, fournisseurs de la première heure, Tel & Com a rassemblé ses banques de données au sein de Mediagram, qui fournit divers renseignements sur les media, les agences de publicité (avec un baromètre de leur créativité !), les cotations boursières des entreprises de communication, etc. Cette société fribourgeoise ouvre également Metis, une messagerie conviviale basée sur le principe du kiosque (5), à l’imitation du Minitel français. A Pully, près de Lausanne, la jeune société VTX est représentative de nouveaux acteurs sur ce marché. On les baptise serveurs. Ils complètent l’activité des fournisseurs d’informations et se font leurs intermédiaires auprès des PTT. Leur rôle est d’héberger les banques de données et d’assister leurs clients dans l’élaboration des services vidéotex. Ils servent aussi de points d’accès au réseau Télépac, une expérience utile lorsqu’ils prépareront la migration des mêmes applications sur Internet.

La cohabitation

N’anticipons pas. Sous la pression du Minitel, les PTT suisses on été contraints d’homologuer les terminaux français. Mais impossible de s’arrêter-là. Les utilisateurs ne veulent pas se contenter du marché national. La connexion des deux systèmes, Télétel et Vidéotex, ouvrirait un accès réciproque: banques de données suisses aux abonnés minitel, banques de données françaises aux abonnés vidéotex. Or, l’enjeu n’est pas le même. Pour passer de la norme Cept 1, avec ses 335 variantes de caractères et ses 4096 nuances de tons de couleurs, adoptée par la Suisse, à la Norme Cept 2 du Télétel, beaucoup moins élaborée sur le plan graphique, les PTT doivent installer un convertisseur ou transcodeur à l’entrée de leur central. Les fabricants CGE-Alsthom (France) et Standard Telephone (Suisse) procèdent à des tests. Des essais similaires soient en cours également entre les Français et les Allemands autour du Bildschirmtext.

Qui peut le plus, peut le moins, l’opération inverse s’avère plus rapide et plus économique. Il suffit d’équiper le terminal vidéotex d’un adaptateur de la taille de deux paquets de cigarettes. Ce Salto produit par Siemens permet de combiner les deux normes Cept 1 et 2 et équipera bientôt les terminaux Comtel que louent déjà les PTT suisses.

La vitesse de croisière


Comptabilité générale sur micro-ordinateur

8 janvier 1979

Comptabilité générale sur micro-ordinateur

01 Informatique No. 522

Une entrée discrète sur le marché de la gestion

Jusqu’à récemment utilisés uniquement par les amateurs et les bricoleurs, les micro-ordinateurs font sans bruit leur entrée sur le marché de la gestion. Développée discrètement dans un bureau d’informatique lausannois, une application de comptabilité générale, qui tourne sur micro-ordinateur Zilog, présente des caractéristiques comptables et techniques fort intéressantes.

Le choix de son auteur, Pierre Besson, informaticien et « hobbyiste » au départ, s’est porté sur Zilog à cause du langage PLZ (directement inspiré des principes de Pascal) que propose depuis peu le constructeur sur ses matériels, le système adopté est basé sur MCZ 1/20 muni de deux unités de disquettes (640 000 octets en tout) et connecté à un terminai Soroc et une imprimante Oki. L’adoption de PlZ comme langage de programmation permettra de transporter les programmes sur les futurs produits Zilog.

C’est sur cette configuration très simple, que Pierre Besson~ a développé son application entièrement conversationnelle et bilingue français-allemand. L’ordinateur présente un menu sur l’écran et l’utilisateur sélectionne une des options proposées. Certaines questions entraînent l’affichage d’un menu secondaire, d’autres permettent d’effectuer directement un travail. Toutes les informations demandées par l’ordinateur sont précédées d’un court texte explicatif. Certaines réponses peuvent être enregistrées par pression d’une seule touche, ce qui permet de composer très rapidement des données répétitives.

L’utilisateur a le choix d’un plan comptable quelconque et évolutif selon les principes de la classification décimale. Il enregistre ses écritures directement à l’écran. Cela entraîne le passage en compte automatique des contre-écritures et la mise à jour du bilan et des comptes. L’opérateur pourra effectuer en tout temps les consultations nécessaires sur une situation comptable acquise. Les résultats sont affichés sur l’écran et édités sur des rapports imprimés: journal, grand-livre, extraits de compte pour une période quelconque, bilans.

Des formulaires standards en différents formats sont utilisés, les titres et les entêtes étant imprimés par programme.

Enfin un système de clés mettent les informations hors de portée des indiscrets.

Deux techniques informatiques rarement utilisées en micro-informatique rendent cette application particulièrement performante. La gestion de la mémoire sur disquette selon un système d’allocation dynamique permet de stocker les informations sans place perdue: par exemple l’annulation a posteriori d’un compte sans écritures aura pour effet de libérer la place précédemment occupée par les informations générales de ce compte. Grâce à la technique de mémoire virtuelle, des fenêtres sur des portions de la disquette fréquemment utilisées sont conservées en mémoire centrale, ce qui entraîne des temps de réponse extrêmement courts, d’une fraction de seconde seulement.

Traitement de texte « bonus »

Un programme de traitement de texte, primitivement prévu pour documenter les logiciels, est livré en complément du programme de comptabilité. Il effectuera le partage des mots en fin de ligne, le cadrage du texte, une pagination automatique, une numérotation et mise en page des titres jusqu’à quatre niveaux hiérarchiques, ainsi que les tâches d’insertion, de correction. de suppression, etc.

On peut regretter néanmoins l’absence d’accentuation, gênante en français, et due à une limite de l’imprimante Oki.

Un système à 40’000 CHF

Plusieurs développements compléteront encore l’application actuelle. Signalons parmi ceux-ci le bilan hiérarchisé jusqu’à huit niveaux. Pierre Besson a en outre l’intention d’y adjoindre les autres traitements de l’entreprise, gestion des stocks, comptabilité des salaires, etc. Pour des raisons de financement évidentes, le système n’est pas proposé clés en main. L’utilisateur acquiert le logiciel auprès du bureau lausannois (coût 17’000 CHF) et le matériel chez le représentant de Zilog en Suisse, Stolz AG à Zurich. Le tout revient alors aux environs de 40’000 CHF. Une première installation est opérationnelle dans une fiduciaire lausannoise.

Marielle Stamm


IMM 1979 du matériel américain et des distributeurs suisses

2 juillet 1979

IMM 1979 du matériel américain et des distributeurs suisses

01 Informatique No. 547

Avec plus de 5’600 visiteurs, IMMM, qui s’est tenu pour la 3e fois consécutive à Genève du 19 au 21 juin dernier, a dépassé le score de l’an dernier, et ceci malgré un fléchissement du nombre des exposants (74 stands). Si sa vocation internationale – malgré l’initiale du sigle – reste peu accentuée, IMMM s’affirme comme la seule manifestation d’envergure totalement vouée à la micro-informatique en Suisse. La présence de nombreuses firmes suisses alémaniques en témoigne.

Quant aux sessions techniques, malheureusement toutes en anglais, elles ont attiré environ 570 personnes (un peu moins que l’an dernier) à des exposés dont la qualité, selon plusieurs participants, était d’un très bon niveau.

Logiciel évolué sur les micros des constructeurs de minis

La visite de l’exposition est aussi plus agréable, des boxes peints en blanc et moquettés de bleu ont fait place au jute triste de l’an dernier. Elle débute sur le devant de la scène par les deux grands constructeurs de minis, Digital Equipment et Data General.

Digital montre, pour la première fois en Europe, la quatrième génération des PDP 11, le LSI 11/23, son micro-ordinateur dernier-né aux performances quadruplées par rapport au prédécesseur LS 11/2 et qui dispose du jeu d’instructions du mini-ordinateur PDP 11/34.

De son côté, Data General annonce l’adjonction d’un système d’exploitation évolué, le Micron, et du langage de haut niveau Pascal sur la gamme Micronova.

Chez l’un comme chez l’autre, l’accent est mis sur la compatibilité au sein des gammes de produits, entre micros et minis. Le LSI 11/23 peut fonctionner avec les systèmes d’exploitation RSX-11M et RSX-11S des plus gros PDP 11. Micron, de Data General, est compatible avec le système d’exploitation AOS dont sont dotés les gros systèmes Eclipse. Les constructeurs de minis mettent ainsi en avant l’argument de la compatibilité et des logiciels sophistiqués face à la concurrence des constructeurs de micros. Celle des fabricants de compatibles est également gênante, même si ceux-ci se fournissent chez Digital pour l’achat des unités centrales, LSI 11 en l’occurrence.

Pleyssey Peripheral Systems est le plus connu, mais d’autres commencent à s’intéresser au marché suisse, via les distributeurs. C’est ainsi qu’Adcomp (après la représentation de Dataram), Data System Designs, MDB Systems et Stolz commercialisent les systèmes disques de Xylogics.

La montée de l’informatique individuelle

La manifestation reste, on le voit, très orientée vers l’utilisateur OEM à la recherche des plus récents équipements susceptibles d’améliorer ses systèmes.

Il s’y greffe toutefois, et de manière beaucoup plus marquante que l’an dernier, un intérêt nouveau, celui pour l’ordinateur personnel. L’animal favori est, en Suisse, le Pet, et cela grâce aux efforts de son représentant officiel, le distributeur suisse allemand Elbatex, qui en aurait vendu un millier depuis un an.

Pour mieux attirer le marché du « small business », il a créé une petite société de service, ProSoft, qui développe une série de programmes pour l’adressage, la gestion des stocks, les médecins, etc.

Une série « d’outsiders » se fournissent en Pet chez des « dealers américains », les vendent au rabais, et proposent leurs services en prodiguant des prospectus à la sortie de l’exposition.

L’Apple, toujours sans distributeur agréé pour la Suisse, est visible sur le stand commun d’Irco et de Celtone. Comme pour le Pet, l’intérêt des conseils en informatique commence à s’éveiller, et quelques pionniers développent qui des programmes de gestion, qui des programmes spécifiques, selon l’intérêt du moment. Encore peu connu en Suisse, malgré ses succès outre-Atlantique, le TRS 80 de Tandy, venu à Genève avec tout son état-major belge, devrait prochainement trouver un parrain officiel en Suisse. Malgré l’engouement des convertis, malgré un début d’intérêt dans le grand public, l’informatique individuelle devra encore surmonter deux difficultés majeures, celle des canaux de distribution fiables, à même de supporter un service technique après-vente, et celle du développement des logiciels d’application, compléments indispensables pour la conquête du grand public.

Le quatrième IMMM aura lieu l’an prochain, à nouveau à Genève, du 17 au 19 juin. Ses organisateurs pensent l’élargir à d’autres domaines comme les télécommunication ou le traitement de texte. Une affaire à suivre…

Marielle Stamm


Microclub, club lausannois des amateurs de micros, a pris son rythme de croisière

18 juin 1979

Microclub, club lausannois des amateurs de micros, a pris son rythme de croisière

01 Informatique No. 545

Après l’engouement du départ, avec une pointe de 250 participants, Microclub, club lausannois des « fans » du microprocesseur, a pris son rythme de croisière avec une centaine de membres, Son jeune président, Alain Capt, a décrit pour « 01 hebdo » les orientations d’aujourd’hui et de demain.

« Nos membres ont des profils très divers, depuis le jeune étudiant bricoleur jusqu’au cadre de société. Ils se répartissent en fait en deux catégories. Il y a tout d’abord les amateurs bricoleurs, les plus jeunes. Il y a également ceux qui ont des buts plus professionnels et veulent connaître les possibilités du microprocesseur pour éventuellement en tirer profit dans leur entreprise, leur usine ou leur atelier. Parmi les premiers, par exemple, un groupe de radioamateurs cherche à utiliser le micro pour contrôler, décoder et analyser les signaux émis. Une autre possibilité est de conduire l’orientation de l’antenne pour qu’elle soit en permanence dirigée sur le satellite. »

Des travaux pratiques aux exposés

Assez unique en Suisse, où les clubs de micro-informatique sont pratiquement inexistants (1), Microclub a été favorisé dès le départ par le soutien logistique et pédagogique de l’École polytechnique fédérale et plus précisément par celui du vice-président du club, le Prof. Jean-Daniel Nicoud.

Chaque quinzaine, les membres se retrouvent dans les locaux du laboratoire des calculatrices digitales pour des séances de différente nature. Ce sera tout d’abord les « micromanips », sortes de travaux pratiques dirigés sur un thème précis et effectués sur les Dauphins et logidules de l’EPFL.

Les « microlabos » permettent aux plus aventureux de poursuivre telle ou telle expérience de leur choix avec l’aide des plus compétents, du président ou du vice-président.

Plus didactiques, et intercalés entre les séances de laboratoire, sont les exposés, conférences-débat, ou présentations et démonstrations de matériel par un constructeur.

« Nous avons fait un sondage parmi nos membres: 65% d’entre eux possèdent leur propre système. La plupart ont des micros développés à l’École surtout des Crocus et des Dauphins. Avec le dernier-né dé la ligne, le Smaky, ils possèdent aujourd’hui un outil beaucoup plus performant », explique en s’animant Alain Capt, qui est l’un des principaux artisans du développement actuel de ce micro-ordinateur. « Smaky est doté aujourd’hui d’un logiciel complet, soit un système d’exploitation avec contrôleur de minidisquette, Samos, et un éditeur assembleur résident Smile. Côté langage, il dispose d’un petit et d’un gros Basic et de Forth. »

Sur ce logiciel de base, on pourra désormais développer de petites applications commerciales, gestion de stocks, base de données médicales, etc.

Les utilisateurs de Smaky ont fondé leur propre groupe, le Smug (Smaky utilisateurs groupe), indépendant de Microclub. Les liens sont néanmoins évidents entre les deux associations, dans la mesure où les membres de Smug sont automatiquement les animateurs de Microclub qui bénéficie largement de leur expérience.

Un enthousiasme mitigé

Mais l’enthousiasme de l’ingénieur à propos de son outil favori voisine avec un certain découragement du jeune président. « Le rôle d’animateur est très ingrat. Ce sont toujours les mêmes qui fournissent les efforts. Notre tentative de concours pour développer une application sur micro destinée à aider les handicapés a dû être abandonné faute de répondant. »

Quant aux projets personnels d’Alain Capt, qui possède à Renens un atelier d’outillage de précision, ils sont liés au développement de Smaky. « Nous sommes très proches d’un véritable produit, commercialisable. Smaky est aujourd’hui fabriqué et distribué de manière artisanale (2). Nous songeons dès maintenant à l’étape suivante: la production dans un boîtier et la vente à plus grande échelle. »

Marielle Stamm

(1) Il existe pourtant un petit groupe de jeunes amateurs à Genève.

(2) Par la société Epsitec à Lausanne.


Un entretien avec Niklaus Wirth, créateur du langage Pascal

28 mai 1979

Un entretien avec Niklaus Wirth, créateur du langage Pascal

01 Informatique No. 542

Pascal, un outil adapté à l’industrie

Langage homogène et structuré, Pascal gagne chaque jour de nouveaux adeptes et connaît, à l’instar d’APL, des défenseurs passionnés. Ce nouveau langage semble promis à un bel avenir: il sert de base au projet de langage unique du DOD, département de la Défense des États-Unis, et au langage du système européen (ESL). Pascal a été conçu par Niklaus Wirth (professeur au Polytechnicum de Zurich). Nous reproduisons ici quelques extraits de l’interview qu’il a accordée à « 01 Mensuel » (no 130).

01: Selon vous, la programmation structurée est-elle une étape importante pour les utilisateurs sur la voie de la réduction de leurs coûts logiciel?

NW: Le terme « programmation structurée » a été trop largement et trop mal employé. En fait, qu’est-ce qu’il recouvre? Simplement l’ambition que soient utilisées des règles de base, une discipline, dans la création du logiciel comme cela se pratique dans tous les autres domaines techniques, notamment pour la construction des machines.

La programmation est une activité relativement récente et il n’est guère étonnant que l’on en soit encore au balbutiement pour la définition de ses règles de fabrication. De plus, la programmation est soumise à beaucoup moins de contraintes que d’autres domaines techniques. Elle jouit d’un grand degré de liberté. Cela, ajouté à la jeunesse de son existence, explique la difficulté qu’il y a à discipliner sa création.

01: Venons-en à votre création, le langage de programmation Pascal. Pouvez-vous nous dire quels sont les points essentiels qui le caractérisent par rapport aux autres grands langages tels que Cobol, PL/1, Fortran, etc.?

NW: C’est d’abord son homogénéité. Pascal n’est pas constitué par un assemblage plus ou moins heureux de différents éléments. Il a fait l’objet d’une conception globale, unique, homogène.

Deuxièmement, il est défini de façon relativement précise, dans les limites de ce que les mathématiques appliquées au logiciel permettent naturellement; mais, en tout état de cause, il est sensiblement mieux défini que Cobol ou Fortran.

Troisièmement, il repose sur un nombre de concepts et de règles relativement faibles. Cela facilite sa compréhension et son apprentissage.

On pénètre relativement vite dans le monde de Pascal, il n’y a pas à apprendre de nombreuses exceptions.

Son homogénéité permet la construction de compilateurs compacts et, par là même, fiables et efficaces.

01: Espériez-vous que Pascal serait repris par les constructeurs comme il l’a été?

NW: On n’ose jamais trop espérer! Mais je mentirais si je disais que je n’ai jamais eu l’espoir que cela pourrait arriver. Les fabricants d’ordinateurs doivent fabriquer des systèmes d’exploitation, des compilateurs, tout un logiciel de base et, naturellement, ils sont les premiers à saisir un nouvel outil si celui-ci est bon. Non, je ne suis pas très surpris que l’industrie trouve Pascal utile, c’est très satisfaisant, surtout à cette échelle et aussi rapidement.

01: On parle de plus en plus d’une nouvelle version de Pascal développée à l’université de San Diego et qui comprendrait de nombreuses extensions…

NW: Je vous remercie d’aborder ce sujet pour deux raisons. La première, parce que cela me donne l’occasion de souligner que les gens, de façon générale, y compris les universitaires, ne savent pas faire la distinction entre un langage de programmation et son implantation sur tel ou tel ordinateur. Personnellement, je pense que cette distinction est très importante.

Un langage est un ensemble de règles qui permet de réaliser un texte appelé programme et qui donne à ce texte un sens. Un langage et des programmes ont donc une existence en eux-mêmes et leur validité peut-être appréciée en dehors de l’existence même des ordinateurs.

La plupart des gens ne voient pas cela et, lorsqu’ils parlent de Pascal, ils entendent « l’implantation » de Pascal sur tel ou tel ordinateur. L’ennui est qu’ils deviennent ainsi incapables d’apprécier une définition abstraite, et ils ne peuvent évaluer et analyser un programme que si celui-ci tourne sur une machine.

Le projet du DOD

Le second point que je voudrais aborder est celui-ci: on dit que le Pascal de l’UCSD possède d’importantes extensions, et qu’il serait, en quelque sorte, supérieur au Pascal développé ici au Polytechnicum de Zurich. En fait, toutes ces extensions ne sont nullement relatives au langage lui-même mais à son implantation.

Le prétendu Pascal de l’UCSD est un ensemble comprenant une machine, un petit système d’exploitation, un système de gestion de fichiers, un système d’édition, un « debugger ». Je ne dis pas que cela n’est pas nécessaire à une véritable utilisation: je veux simplement souligner la différence qui existe entre quelque chose d’abstrait, le langage, et ses implantations.

01: Le département de la Défense des États-Unis a lancé un programme de création d’un nouveau langage de haut niveau destiné à rationaliser la production du logiciel au sein de cette gigantesque administration. Les propositions retenues s’inspirent largement de Pascal tout en y apportant des modifications sensibles. Quel est votre sentiment sur ce projet?

NW: Le département de la Défense (DOD) est certainement le plus important employeur de programmeurs dans le monde et il a un tel besoin d’investissements en programmation que ses responsables ont compris qu’ils ne pourraient pas continuer indéfiniment avec les outils, les disciplines et les méthodes (ou les absences de méthodes!) utilisés jusqu’alors. Cela me parait très sain d’essayer d’employer d’autres outils et de vouloir former les gens autrement.

Propos recueillis par Marielle Stamm et Philippe Monnin


Transmission de données par infrarouges

24 décembre 1979

Transmission de données par infrarouges

01 Informatique No. 572

Lors de son passage à Lausanne, Jacques Maisonrouge, senior vice-président d’IBM Corp., a brièvement commenté une récente découverte faite au laboratoire de recherche fondamentale de Rüschlikon, la transmission sans fil à l’infrarouge des données d’ordinateurs (voir 01 Hebdo – no 568). IBM a apporté quelques précisions sur ce nouveau procédé qui peut s’avérer particulièrement utile dans les grands bureaux, les ateliers de fabrication et les entrepôts dotés de petits terminaux locaux ou portatifs.

Les recherches ont été effectuées sur un prototype d’émetteur-récepteur d’infrarouges de 64’000 bits par seconde utilisant, comme en radiodiffusion, la modulation avec porteuse. En supposant une vitesse de transmission de 10 à 20 kilobits par terminal, une ligne de 64 kilobits pourrait, selon la technique d’appel sélectif choisie et la fréquence à laquelle chaque terminal aurait des données à communiquer, desservir de 16 à 64 périphériques. Chaque terminal de la zone de travail délimitée serait équipé de diodes luminescentes (LED ou light emitting diodes) pour l’émission du signal infrarouge et de photodiodes pour sa réception. Les diodes luminescentes sont de petits dispositifs bon marché (utilisés, par exemple, dans les montres à affichage numérique) qui, à l’aide de filtres adéquats, peuvent être adaptées de façon à émettre la majeure partie de leur lumière dans le spectre infrarouge. Appartenant à ce que l’on appelle, en technique, le « proche infrarouge », les ondes se situent juste au-delà de la lumière visible, alors que les autres infrarouges, qui seraient perçus sous forme de chaleur, ne conviendraient pas aux communications.

Une station infrarouge, installée au plafond, constituerait le poste de commande principal, qui interrogerait tour à tour les terminaux pour savoir s’ils ont des données à transmettre et auquel ceux-ci répondraient chacun sur une fréquence différente, afin de pouvoir être identifiés. Actuellement, les périphériques sont généralement raccordés par des câbles coaxiaux de cuivre directement à l’ordinateur maître, ou au contrôleur, qui communique alors avec le premier par lignes téléphoniques. Chaque fois qu’on installe un nouveau terminal, il faut poser un câble supplémentaire et chaque fois qu’on déplace un périphérique il faut refaire le câblage. Le nouveau procédé permettrait donc de réaliser des économies intéressantes en supprimant ces travaux. Grâce aux microprocesseurs, les terminaux sont devenus intelligents et n’ont plus besoin de rester en liaison permanente avec l’ordinateur. Un simple rapport de temps à autre à l’ordinateur central suffit. « A cet égard, la nouvelle technique de transmission sans fil parait prometteuse », a commenté Hans Muller, chef du groupe recherche « Infrarouge » à Rüschlikon.

Il sera dès lors possible de déplacer les terminaux dans les bureaux et ateliers au gré des exigences du travail, modifier leur configuration et disposer de terminaux portatifs dont les applications sont de plus en plus nombreuses. La transmission sans fil pourrait également se faire par ondes hertziennes; les infrarouges, toutefois, offrent l’avantage de ne pas être affectés par les interférences électroniques et de pouvoir être plus facilement limités, dans leur propagation, à la zone de réception désirée. Lors de simulations, des données ont été correctement transmises en présence d’un arc électrique de poste de soudage, pourtant source puissante d’électricité statique et de chaleur.