23 février 1976
Informatique et libertés: examen du projet fédéral à la session des cadres du GRI
01 Informatique No. 372
A la recherche de formules nouvelles, le groupement romand de l’informatique vient d’animer une session dite « informelle » pour les cadres de ses sociétés membres. Désireux d’approfondir des problèmes proches des préoccupations des cadres, le GRI avait invité diverses personnalités, Guy-Olivier Segond, conseiller juridique du département de l’Instruction Publique à Genève, Serge Neukomm, président de la Commission du Grand Conseil Vaudois, Charles Ducommun, ancien directeur des PTT et M. Rossel, directeur du Centre Patronal Vaudois.
Le débat s’est orienté surtout, actualité oblige, sur la participation et le projet syndical et contreprojet fédéral qui feront l’objet du vote du 21 mars prochain.
Serrant de plus près les problèmes reliés à l’informatique, Guy-Olivier Segond, promoteur du projet de loi visant à la protection du citoyen contre l’ordinateur, projet déposé dans le canton de Genève, a exposé les dangers que représente la réalisation de grandes banques de données, qu’elles soient publiques ou privées, pour les libertés individuelles.
« Chaque information est le support d’une information potentielle beaucoup plus large, grâce aux possibilités d’accumulation, d’intégration, d’interconnexion, de traitement, et de diffusion qu’offrent les grands systèmes électroniques ». Et d’évoquer, à titre d’exemple, le projet de réseau entre les différents centres informatiques du canton de Genève, dans le cadre d’une étude d’harmonisation, réseau qui permettrait d’intégrer plusieurs banques de données, détenues aujourd’hui séparément par différents départements, police, contrôle de l’habitant, finances, hôpital, département de l’enseignement.
Certains pays, comme la Suède et d’une manière plus restreinte les USA, se sont dotés de lois pour lutter contre le déséquilibre du pouvoir qui risque d’entraîner la détention unilatérale d’un grand nombre d’informations et pour protéger les libertés du citoyen.
Au Canada, deux provinces, aux États-Unis, deux états, en RFA, deux lander, ont adopté des réglementations similaires. Notons, en passant, que tous ces pays sont des états fédéraux. En Suisse, un projet a été déposé par le parti radical, dont fait partie Guy-Olivier Segond, tout d’abord à Genève, puis en Argovie et dans le canton de Vaud.
Plusieurs mesures sont proposées. La première préconise la création d’un registre public des banques de données contenant des indications sur la vocation des fichiers, le type d’informations qu’ils renferment, l’identité des utilisateurs et bien entendu, le nom et l’adresse de l’exploitant.
Le principe de la protection de la sphère privée serait établi en exigeant le consentement de l’intéressé pour le traitement des données qui le concernent. Toutefois, chaque fois que l’intérêt public le justifie, les données personnelles pourraient être enregistrées, traitées et diffusées.
Cela revient-il à dire que le citoyen ne sera pas protégé contre les indiscrétions des banques de données publiques? Non, car les données personnelles seraient réparties selon différentes catégories, chacune d’entre elles étant affectée d’un accès à l’information variable, allant de défendu à public.
Ainsi, par exemple, si le nom et l’adresse sont publics, les données relatives aux opinions politiques ou religieuses ne peuvent être enregistrées en aucun cas. Mais l’enregistrement de certaines données peut aussi être réservé à certaines autorités. Et par exemple, les données médicales seront accessibles aux seuls hôpitaux, assurances maladies, médecin traitant, etc.
Une autorité de surveillance devra être instituée pour veiller à l’application des principes posés. La nature de cette autorité est très contestée. Selon les pays et les projets, elle est issue du pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire. Le projet genevois s’inspire de la solution adoptée par le land de Hesse et se prononce en faveur de la nomination d’un « on budsman » qui tiendrait à jour le registre public des banques de données publiques et privées et veillerait à l’application de la loi.
Ce projet de loi reprendra sûrement toute son actualité lorsque les crédits alloués au projet remanié de la police genevoise devront être votés.
Marielle Stamm