29 mai 1978
Reid Anderson, chairman d'Information Terminals corporation: «Le pari sur les supports magnétiques souples»
01 Informatique No. 490
« Les supports magnétiques connaîtront un succès accru dans les trente années à venir. » Ainsi prophétisa Reid Anderson, fondateur et chairman d’Information Terminals, au cours d’un entretien accordé à « 01 Informatique », dans son centre européen de Genève, à l’occasion d’un bref voyage en Europe.
Reid Anderson fut cofondateur de la société Anderson Jacobson, avant de créer sa propre entreprise, Information Terminals (ITC), en 1968. Déviant de son idée première de construire des terminaux (d’où la dénomination de sa société), il fut le premier à parier sur la cassette magnétique numérique destinée aux applications informatiques. Après un lent démarrage, celle-ci a connu le succès que l’on sait et ITC en détient aujourd’hui 50% du marché mondial.
La production s’est élargie à d’autres supports magnétiques souples tels que les cartes magnétiques, les cartouches, et surtout les disquettes et mini-disquettes. Ces dernières constituent à l’heure actuelle 50% de la production totale de ITC. « On ne connaît pas aujourd’hui de support combinant tous les avantages que présente la disquette, énonce Reid Anderson. Elle est à la fois facile à manipuler et amovible, elle conserve l’information presque indéfiniment. Elle est surtout peu coûteuse. Avec le développement sans précédent des mini-ordinateurs et l’explosion du traitement de textes et de l’ordinateur individuel, la disquette a encore dix belles années devant elle », ajoute-t-il.
Une production intégrée verticalement
C’est sur cette assurance qu’a tablé ITC en devenant le premier fabricant indépendant de supports magnétiques souples et en créant à Sunnyvale, en Californie, une usine qui emploie 800 personnes.
A la différence d’autres fabricants qui se bornent à assembler et monter les mémoires magnétiques à partir de films et de pièces plastiques achetées en gros, ITC a adopté une politique de production intégrée verticalement. Les bandes, le montage des pièces de plastique et même les machines et instruments de tests sont fabriqués et développés à Sunnyvale. Sous la marque Verbatim, lancée en 1977 (Verbatim veut dire, en latin, mot à mot), ITC propose des produits brevetés et uniques dont les caractéristiques essentielles sont des propriétés magnétiques à haute résolution assurant la longévité du support. L’enroulage et le montage des cassettes s’effectue dans une des plus vastes chambres blanches qui soit puisqu’elle abrite quelque 500 employés. Le contrôle de qualité est assuré par le test en laboratoire d’échantillons de chaque produit.
Trois créneaux de vente
Si la marque Verbatim est encore peu connue, cela tient d’une part à son lancement récent mais aussi à la politique commerciale d’ITC. Sa production s’écoule en effet par trois créneaux différents dans des proportions à peu près équivalentes.
En premier lieu, des distributeurs exclusifs, un seul par pays, vendent les supports sous la marque Verbatim. Ainsi, en Suisse, le distributeur est l’entreprise genevoise « Tout pour l’informatique », en France et en RFA, BFI Électronique.
La deuxième source est constituée par les fabricants d’ordinateurs acheteurs OEM qui revendent les supports avec leurs équipements sous leur propre marque. ITC détient ainsi plusieurs centaines de « private labels » parmi lesquels les constructeurs les plus prestigieux, dont les emballages n’occupent pas moins de trois à quatre entrepôts à Sunnyvale.
La dernière source enfin est celle des distributeurs non exclusifs qui vendent le support sous leur propre marque, n’hésitant pas à affirmer parfois qu’il est de leur propre fabrication.
Pour compléter le réseau commercial aux États-Unis ou ITC travaille avec près de 200 distributeurs, Reid Anderson a fondé en janvier 1975 un centre européen à Genève, qui coordonne la vente à une quarantaine de distributeurs supplémentaires. Bien qu’un tiers des ventes soit aujourd’hui réalisé en Europe, le chairman d’ITC n’envisage pas encore d’y construire une unité de production, mais il n’en écarte pas l’éventualité future. Pour l’heure l’essentiel des bénéfices est investi dans la recherche, car il faut améliorer les supports actuels et prévoir les produits de demain.
Si ITC ne peut revendiquer la paternité de la disquette, dont l’invention revient à IBM, la firme de Sunnyvale a néanmoins été à l’origine de la mini-cassette qu’elle a introduite il y a trois ans à la NCC (1).
Quant à la nouvelle cartouche, elle est passée de 2,25 millions d’octets à 11,5 millions d’octets soit l’équivalent de 140’000 cartes perforées.
Gagner la bataille des prix
Parallèlement à l’augmentation de capacité des mémoires magnétiques, ITC envisage d’en baisser le prix de manière substantielle. Elle sera favorisée, dans cette action, par sa politique de production intégrée. Ses concurrents, en effet, ne sont autres que des producteurs de matériels informatiques, IBM en tête bien entendu, mais aussi 3 M, Memorex, Hitachi-Maxell, Xerox, Basf en Europe et bien d’autres encore. Pour tous ceux-ci, la production de supports magnétiques est un complément au reste de leur fabrication. Plus le prix de mémoires souples baisse, plus leur marge de bénéfices s’amenuise. En concentrant ses efforts dans sa seule spécialisation, le support magnétique souple, dont elle produit (tous produits) plus d’un million par mois, ITC devrait pouvoir gagner la bataille des prix. Si l’étude de James Porter, qui prévoit une progression du marché mondial de la disquette au rythme de 41% par an, s’avère exacte, Reid Anderson aura alors réussi son pari.
Marielle Stamm
(1) La disquette elle-même est passée du simple-face (250’000 octets) au double face (500’000 octets) puis au double densité (1 méga-octet). En augmentant le nombre des pistes, on obtiendra dès cette année une capacité de 2 méga-octet. Et l’on prévoit même d’atteindre 5 méga-octet, qui est la limite théorique du support.