5 septembre 1977
La recherche à l'Université de Genève - Développer le dialogue homme-machine
01 Informatique No. 452
par le Professeur Bernard Levrat
Tout enseignement avancé doit s’appuyer sur des activités de recherche. Il est illusoire de penser qu’une lecture attentive de la littérature spécialisée puisse y suppléer. A laisser faire toute la recherche par les autres, on perd ses facultés de jugement ainsi qu’une source de motivation profonde et même d’enthousiasme pour les étudiants.
Il est toujours difficile de choisir des sujets originaux, intéressants et à la portée des moyens dont on peut disposer. Ceci est particulièrement vrai en informatique, où le dynamisme propre à l’industrie raccourcit considérablement le cycle recherche – avance technologique – commercialisation.
Un terminal original
A Genève, depuis plusieurs années, le Centre universitaire d’informatique s’applique à développer les possibilités de communications entre l’homme et l’ordinateur, notamment par des moyens graphiques simples. A l’origine de ces travaux, on peut trouver la volonté de rendre plus facile l’utilisation interactive d’un système portable de stockage et de recherche d’information connu sous le nom d’INFOL-2. Dans le but d’étudier les possibilités d’amélioration des moyens d’entrée des informations, la décision de développer un terminal qui nous soit propre fut rapidement atteinte.
L’élément de base de ce terminal est un Plasma Display construit par Owens Illinois. Il se compose d’une matrice de 512 x 512 points que l’on peut allumer ou éteindre individuellement.
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Développer le dialogue homme-machine – suite de la première page
Une fois allumée, la décharge gazeuse qui constitue le point se maintient jusqu’à ce que l’on éteigne ce qui élimine la nécessité de régénérer l’image. Devant cet écran, nous avons construit un système de repérage comprenant deux rangées de diodes émettrices de faisceaux infra-rouges et deux rangées correspondantes de photo transistors récepteurs. Un objet opaque intercepte la lumière et permet le repérage des coordonnées de l’objet qui sont transmises à l’ordinateur.
L’objet opaque le plus couramment à disposition étant le doigt, nous avons développé une série d’applications interactives où le mariage des facilités graphiques offertes par le Plasma et du système de repérage permet à l’utilisateur de se servir de l’ordinateur « au doigt et à l’œil ». Plusieurs projets de recherche ont exploité ces possibilités.
Un éditeur de texte interactif
L’entrée du texte se fait par clavier avec affichage instantané sur l’écran et stockage sur disque. A n’importe quel instant, l’opérateur peut intervenir pour effacer, modifier ou déplacer avec son doigt des éléments du texte. Un ensemble de commandes permet d’obtenir une version mise en page et justifiée à droite qui sera affichée sur l’écran pour vérification avant d’être automatiquement tapée à la machine.
Génération automatique de programmes
Les structures de contrôle du programme sont sélectionnées au doigt sur la base d’un « menu » qui apparaît sur l’écran. L’organigramme est construit de manière interactive tandis que les instructions et commentaires sont entrés au moyen du clavier alphanumérique. Les structures disponibles conduisent forcément à un programme structuré. Il en résulte un programme en PASCAL prêt à être compilé. Des recherches se poursuivent, en collaboration avec l’Université de Grenoble, pour assister encore davantage l’utilisateur au moment de la conception de ses programmes, notamment au moyen des techniques de vérification de programmes.
Claviers software et dessins interactifs
Des projets moins élaborés nous ont conduits à essayer de remplacer le clavier alphanumérique par des claviers dessinés sur la partie inférieure de l’écran et dans lesquels le programmeur peut faire apparaître le jeu de caractères qu’il désire, qu’il s’agisse d’alphabet latin, grec, arabe, cyrillique ou d’autres jeux de symboles. Il est possible également de générer des dessins sans avoir à entrer les coordonnées point par point, puisque la machine peut suivre le doigt ou l’extrémité d’un crayon. Ces développements, encore à l’état embryonnaire, sont riches de promesses en ce qui concerne la préparation de cours pour l’enseignement assisté par ordinateur.
Autres développements
Les fonctions graphiques peuvent prendre une part considérable des ressources de l’ordinateur lorsqu’il s’agit de composer point par point une figure ou un dessin. En incluant un microprocesseur dans l’électronique du terminal, il est possible de traiter toutes ces fonctions localement et d’envoyer des ordres généraux depuis l’ordinateur central. La présence du microprocesseur augmente beaucoup la souplesse du terminal, en permettant de se brancher sur n’importe quelle machine localement ou à distance.
Ces réalisations ont été menées à bien en équipe et il serait injuste de ne pas citer MM. G. Vuilleumier, M. Wenger, J.-P. Baud, M. Sarret, C. Pellegrini, J.-F. L’haire et A. Meier. Elles ont été rendues possibles grâce au soutien du Fonds National suisse de la Recherche Scientifique ainsi qu’à celui des autorités de l’Université et du canton de Genève.
Bien qu’il se soit agi, au départ, de recherche fondamentale, il faut reconnaître qu’elle recouvre des domaines auxquels s’intéresse aujourd’hui la recherche industrielle. Peut-être est-ce le signe d’une ère nouvelle de collaboration entre le secteur privé et l’Université.
Bernard Levrat – Doyen de la Faculté des sciences – Université de Genève