Une histoire de l'informatique en Suisse

  Presse informatique

Chapitre 2 - Années 1975 et 1976

Les expositions sont le lieu de tous les échanges entre utilisateurs et constructeurs d'ordinateurs. Suivant l'exemple des rendez-vous allemand (Foire de Hanovre) ou français (Sicob à Paris), la Büfa (Bürofachverband) s'ouvre à l'informatique. Cette vieille dame très conservatrice (elle est née en 1931) tient ses assises dans les halles inhospitalières de la Züspa, à Oerlikon, dans la banlieue de Zurich. Un tiers d'exposants d'informatique prennent place auprès des vendeurs de meubles et de matériel de bureau.

Durant l'exposition de 1975, on parle beaucoup de petits systèmes de gestion. Certains sont dotés de disques souples qui font une apparition discrète. Mais le compte à piste a encore la part belle. On les appelle parfois mini-ordinateurs et ils peuvent aussi servir de terminal de télétraitement reliés à de grands centres de calcul. Un mois plus tard, à Genève a lieu la deuxième confrontation internationale entre constructeurs d'informatique et les fournisseurs de télécommunications du monde entier, PTT en tête. Les ordinateurs deviennent l'élément essentiel des infrastructures des télétransmissions, on s'occupera plus tard de l'utilisateur final. Le très britannique Viewdata, embryon de la télématique de demain, est absent de Genève.

A un échelon mille fois plus modeste, l'exposition Mimi à Zurich, organisée à l'initiative d'un professeur canadien, veut rassembler minis et micros. Et déjà le marché des hobbyistes montre le bout de son nez. On peut y découvrir l'Altair 8800 de Mits et c'est une première en Suisse. Les Suisses romands ne veulent pas être en reste. Au grand dam des organisateurs de la Büfa, le GRI entend mettre sur pied sa propre exposition. Une polémique de röstigraben qui durera des années et autour de laquelle s'affronteront deux fortes têtes. Curieusement, elles sont suisse-allemandes toutes deux.

La toute nouvelle maîtrise fédérale d'informatique fait aussi couler pas mal d'encre, les premiers candidats romands se sentant désavantagés par les experts alémaniques. A la Faculté des Sciences de l'Uni de Genève, le professeur Bernard Levrat innove en lançant une nouvelle filière. Mais combien gagnent ces oiseaux rares si recherchés en cette même année 1976 ? Quelques chiffres circulent : 4129 francs (CHF) par mois pour un analyste ou chef de centre, le haut du pavé !

Chez le Grand Bleu - la journaliste aime abuser des métaphores - qui emploie alors 2400 personnes, ils sont déjà légion et malgré quelques signes de récession, l'heure n'est pas encore au dégraissage, confie Hans Luthy, directeur d'IBM Suisse dans une longue interview un peu soporifique. Peu étonnant, le manager a exigé les questions à l'avance et répondu par écrit sans daigner rencontrer son interlocutrice ! Autres temps... Pourtant le constructeur numéro 1 (autre métaphore, largement utilisée) doit aujourd'hui faire face à une concurrence pléthorique. A titre d'exemple, la prestigieuse Ecole hôtelière de Lausanne a lancé un appel d'offres auprès de 18 constructeurs pour son premier ordinateur ! L'heureux gagnant ? Digital Equipment avec un PDP 11, un mini qui fera sa fortune.

Reste que cette nouvelle discipline, l'informatique, suscite peurs et angoisses. L'individu fiché dans des banques de données sous l'oeil menaçant de Big Brother cherche à se protéger. C'est à Genève que naît l'initiative d'un projet de loi pour la protection du citoyen contre l'ordinateur. Guy-Olivier Segond, un juriste qui fera carrière, en est l'auteur.