1974
Le PCS chez Digital Maynard
Chapitre 2
Le rêve de Jean-Daniel Nicoud, mars 1974
DEC était un excellent endroit pour avoir accès à la nouvelle technologie des microprocesseurs. Un large choix de circuits intégrés était disponible dans les différents stocks de DEC. Avec l’aide de Rick Merrill, Jean-Daniel Nicoud trouva leur emplacement à l’intérieur du labyrinthe des vieux bâtiments de DEC, et commença le développement.
Jean-Daniel Nicoud était dans le département de Tom Stockebrand, terminaux alphanumériques. Les écrans étaient nettement trop gros pour un terminal portable, mais les claviers étaient excellents. Un écran récupéré d’un terminal VT50 a été utilisé pour les premiers tests, en attendant un écran 5 pouces de Ball Brother.
L’interface écran a été développé avec les Logidules (Jean-Daniel Nicoud téléphonait plusieurs fois par semaine pour que l’on envoie des Logidules supplémentaires). L’électronique haute tension récupérée du terminal était une énorme carte, que Ball Brother a heureusement intégrée dans ses écrans 5 pouces.
Le premier travail était de définir le bus reliant le processeur, la mémoire, l’interface écran et les ports d’entrée-sortie. Du câble plat à 16 conducteurs compatible avec des socles de circuits intégrés a été choisi car il permettait une réalisation proche d’un circuit imprimé définitif. Un câble transportait les adresses (16 bits) et l’autre câble les données 8 bits et 8 lignes de commande. Ce standard appelé « BusMu » a été défini en collaboration avec Dominique Dutoit, qui construisait à Lausanne de mai à septembre le système Microdules 8080.
La construction modulaire avec ses deux câbles plats était une bonne solution qui permettait de câbler à la main des modules séparés pour la RAM, EPROM, 8080, écran, entrées-sorties. DEC était très lent pour réaliser des circuits imprimés, et le technicien qui avait été promis n’est jamais arrivé.
Rick Merrill, un spécialiste logiciel de chez DEC, a été détaché pour le projet de Jean-Daniel Nicoud et nous avons décidé de modifier les mnémoniques d’Intel pour les rendre plus logiques et plus facile à mémoriser (section 9 en projet). Rick a alors écrit le cross-assembleur 8080 sur PDP-11 et participa à l’écriture des programmes de test.
Les tensions nécessaires pour les circuits du PCS étaient +5V, +12V et -9V. La carte processeur comportait 10 circuits interface. Une erreur grave a été de ne pas synchroniser le signal Wait. Le conséquence était que le 8080 exécutait convenablement les ordres pendant un temps aléatoire, rarement plus de quelques minutes. Jean-Daniel Nicoud n’était pas conscient à l’époque des états métastables, mais il les a toujours bien expliqués depuis. A part cette bascule de synchronisation, le schéma de l’interface 8080 est resté le même pour les SMAKY 1, 2, et 4. Cette interface aurait pu être plus simple, mais elle était compatible avec le BusMu, plus dans la philosophie plus propre du Motorola 6800.
La carte EEPROM utilisait quatre Intel 1702, totalisant 1 kilooctet de mémoire non volatile. Les outils nécessaires pour programmer ces EEPROM furent développées sur le PDP11. La carte mémoire utilisait les nouvelles mémoires Mostek de 4 kilobit, qui nécessitaient un aiguillage de démultiplexage. Le rafraichissement était fait par l’écran, qui accédait la mémoire par DMA.
L’écran était assez complexe, et implémentait les idées de caractères de largeur variable et d’attributs, alors prévues sur les futurs terminaux de DEC, prédécesseurs du VT100 bien connu.
Le clavier était compatible avec le bus d’entrée/sortie du 8080. Les adresses d’une colonne étaient écrites dans un circuit 4514, un démultiplexeur à 16 sorties contenant un verrou. La colonne sélectionnée était lue via un passeur à trois états. Il n’y avait pas de diodes, puisque le risque de touches fantômes était faible. Ce schéma a été utilisé pendant de nombreuses années chez DEC, par exemple sur le terminal-imprimante LA30.
Un ordinateur portable a besoin d’une imprimante. Elle était prévue dans le couvercle, en utilisant du papier électro-sensible pour arriver à une unité petite et légère. Cette imprimante a été développée quelques années plus tard au LAMI pour le Scrib.
Le résultat le plus intéressant était la maquette de Dick Schneider, concrétisant le rêve de Jean-Daniel Nicoud. Au début 75, un prototype en tôle était terminé avec un coupleur acoustique dans le couvercle, à la place de l’imprimante.
Jean-Daniel Nicoud a quitté DEC début juillet avec la promesse d’un contrat pour continuer le travail. Il est donc retourné chez DEC en septembre pour signer ce contrat: des disques minces devaient être étudiés (en collaboration avec le professeur Jufer) et six machines basées sur le 8080 devaient être construites à Lausanne.
En octobre 1974, Jean-Daniel Nicoud a organisé à Lausanne le premier congrès international sur les microprocesseurs, dans le cadre des Journées d’Électronique. C’était également la première conférence de l’Euromicro. 700 personnes ont participé à cette conférence, et des projets US et européens déjà très évolués ont été présentés dans un excellent programme technique.
Le contrat avec DEC a permis de construire six SMAKY 4, le premier SMAKY 2 livré début 1975 ayant été ultérieurement transformé en SMAKY 4, livrés en 1975 et 1976. Un nouveau boîtier a été développé par DEC en 1976, et ce SMAKY 4, qui n’a pas été influencé par Jean-Daniel Nicoud et ne correspond pas à son rêve initial, est visible au Computer History Museum à Mountain View. D’autres SMAKY ont été donnés à ce Musée en 2001, suite à l’initiative de Christian Simm au Consulat Suisse à San-Francisco.